Faut-il signer un contrat de mariage ?
« Maître, nous allons bientôt nous marier, et mon beau-père insiste pour que nous allions chez le notaire signer un contrat de mariage ? Qu’en pensez-vous ? Qu’est-ce que cela implique ? «
Pour éviter toute confusion, clarifions de prime abord un point : le contrat de mariage français n’a rien à voir avec ses homologues anglais ou américains ! Il ne permet pas de prévoir que l’un des époux touchera des millions en cas de divorce et n’est pas réservé aux stars du show-biz ou aux grandes fortunes.
Il permet simplement, mais c’est essentiel, de déterminer le régime matrimonial applicable aux époux.
Cette précision étant faite, de quoi s’agit-il ?
Pour le définir simplement, le régime matrimonial ce sont les règles de gestion du patrimoine des époux. Il peut être choisi lors de la signature d’un contrat de mariage rédigé avant la célébration devant un notaire, et peut être modifié au cours de l’union, au bout de deux ans.
Sans contrat, le régime applicable par défaut est celui de la communauté réduite aux acquêts.
I – Le régime légal de la communauté réduite aux acquêts
Dans ce régime par défaut, le patrimoine des époux se compose de trois masses :
- Les deux masses propres de chacun des époux : ce sont les biens et dettes que chacun des époux possédait avant le mariage. La masse propre recueille également les biens reçus par donation, legs ou succession.
- La masse commune : Elle comprend tous les biens acquis ou créés à compter du mariage ainsi que les dettes nées nées pendant l’union. Elle intègre également les salaires ainsi que les revenus des biens propres.
Ainsi si Madame possédait un appartement qu’elle avait acquis à crédit, avant le mariage, l’appartement et la dette lui sont propres. Ils sont à elle seule.
Si Monsieur décide d’acheter avec son salaire, pendant le mariage, un bien immobilier, il s’agira d’un bien commun appartenant pour moitié à chaque époux. Les loyers qui seront perçus seront communs.
En revanche, si l’appartement de Madame (qui lui appartient, à elle seule) est donné en location, le loyer qu’elle touchera sera un revenu commun. (Il s’agit du revenu d’un bien propre).
Quant aux sommes versées pour payer les échéances du crédit de cet appartement, qu’elles aient été financées par le loyer ou par les salaires, ont été financées par des fonds communs. (J’insiste, les salaires sont communs)
A la liquidation du régime matrimonial (en cas de divorce ou en cas de décès d’un des époux), chacun récupère ses biens propres.
Il faut alors évaluer si la communauté (qui appartient aux deux) doit quelque chose à l’un des époux, ou si l’un des époux doit quelque chose à la communauté.
Dans notre exemple, l’appartement que Madame avait acquis à crédit avant le mariage, a pour partie, été payé avec des fonds communs, les échéances de l’emprunt étant remboursées soit au moyen des loyers, soit par des salaires.
Ayant remboursé les échéances d’une dette qui lui était personnelle avec des fonds communs, elle devra, pour simplifier, en rembourser la moitié à son mari.
C’est là que les choses se compliquent.
Imaginons que l’appartement ait été acheté au prix de 100.000 euros, un mois avant le mariage, et imaginons que les époux divorcent au bout de 10 ans, et qu’à la date du divorce, le crédit ait été entièrement remboursé :
La communauté aura financé pendant 10 ans le remboursement de l’emprunt de Madame.
Elle devra donc rembourser à la communauté toutes les échéances versées (c’est-à-dire, dans notre exemple, la totalité du prix). Concrètement, la communauté appartenant pour moitié à Monsieur, Madame devra lui verser 50.000 euros ! Et ce alors même qu’elle a remboursé le crédit avec son salaire et avec les loyers.
Cela peut paraître injuste, et il n’y a pas moyen d’y échapper, sauf par contrat de mariage.
II – Le choix du régime matrimonial
D’autres régimes matrimoniaux peuvent être choisis en fonction des situations de chacun.
Les deux plus fréquents sont la séparation et la communauté universelle.
A – Le régime de la séparation de biens
Dans ce régime, rien n’est commun. Chacun garde ses sous, ses biens et ses dettes.
Évidemment, rien n’empêche d’ouvrir un compte commun et d’acheter ensemble un bien immobilier, mais avoir des choses en commun est alors un choix.
Ce régime matrimonial est particulièrement adapté aux professions libérales ou indépendantes, car les dettes de l’un ne risquent pas de mettre en danger l’autre.
Il est souvent adapté aux personnes ayant un peu de patrimoine avant le mariage et aux familles recomposées.
B- Le régime de la communauté universelle
Il s’agit du régime totalement opposé : Plus rien n’est personnel, tout est commun, même ce que chacun des époux détenait avant le mariage.
Ce régime est particulièrement adapté aux couples âgés n’ayant pas d’enfants.
Comme vous l’avez compris, le choix du régime matrimonial est une question particulièrement complexe et il est important de se poser certaines questions avant le mariage, ou une fois mariés, en cas de changement de situation.
Parlez-en avec votre avocat ou votre notaire.