Les droits du conjoint survivant : la quotité disponible spéciale entre époux
(Commentaire d’un arrêt – Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 octobre 2017, n° 17-10644)
Dans un précédent article, nous avons évoqué les principales règles relatives aux droits du conjoint survivant, en indiquant que la plupart de ces règles pouvaient être aménagées par testament ou par une donation entre époux.
Il est ainsi possible d’augmenter les droits du conjoint survivant, en lui léguant « la quotité disponible spéciale entre époux », réduisant ainsi la quote-part revenant aux enfants.
Cet arrêt en est une illustration.
Un homme décède en laissant pour lui succéder son épouse, donataire de la plus forte quotité disponible (ou quotité disponible spéciale entre époux), et ses deux enfants nés d’une première union.
La veuve pouvait donc choisir de disposer, par dérogation au principe de droit commun, soit du quart de la succession en pleine propriété, soit du quart de la succession en pleine propriété et des trois quarts en usufruit, soit de la totalité en usufruit, outre
Elle a choisi la deuxième option.
Mécontents, les enfants du défunt contestent ce choix.
La cour d’appel leur donne raison en décidant que l’épouse survivante ne peut prétendre qu’au quart en pleine propriété (droit commun), sans pouvoir bénéficier de la libéralité que le défunt lui avait consentie, car cela porterait atteinte à la réserve des enfants. (la part minimale à laquelle ils ont droit, par défaut).
Sauf que tout cela est faux !
La Cour de cassation censure donc l’arrêt d’appel en rappelant que la veuve bénéficie de sa vocation légale (1/4 en pleine propriété), augmentée de la portion de la libéralité excédant cette vocation, dans la limite de la quotité disponible spéciale entre époux.
Cette arrêt est un simple rappel d’une règle souvent oubliée (même par les cours d’appel et les tribunaux) :
En effet, en présence d’enfants ou de descendants, même issus d’une précédente union, les libéralités (donations entre époux ou testament) reçues du défunt par le conjoint survivant s’imputent sur les droits de celui-ci dans la succession, de sorte que ses droits peuvent être (Code civil articles 757, 758-6 et 1094-1):
– soit de la quotité disponible en faveur d’un étranger,
– soit au quart en pleine propriété et aux trois quarts en usufruit
– soit encore à la totalité des biens en usufruit seulement
La décision du testateur d’offrir cette option à son conjoint survivant ne doit pas être prise à la légère.
En augmentant les droits du conjoint survivant, il réduit mécaniquement (ou les reporte dans le temps) les droits de ses enfants, ce qui peut être source d’importants conflits au moment de la succession.