Le paiement de la pension alimentaire passe avant le remboursement d’un crédit immobilier
Cass. crim. 20 juin 2018, n° 17-86732
A la suite d’une ordonnance de non conciliation, le père est condamné à payer une pension alimentaire à son épouse (devoir de secours) et à leur enfant commun (contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant).
Celui-ci ne s’exécutant pas, la mère dépose plainte pour abandon de famille.
Devant la cour d’appel, le père, qui a reconnu ne s’être acquitté qu’imparfaitement de ses obligations, faisait valoir que ses revenus avaient chuté et que ses charges, notamment de remboursement d’emprunts immobiliers portant sur des investissements locatifs, ne lui permettaient pas de faire face à ses obligations.
Retenant qu’il ne rapportait pas la preuve d’une impossibilité absolue de s’acquitter de ces pensions, et qu’il avait la possibilité de vendre ces biens immobiliers, la cour d’appel de Bordeaux a considéré que l’infraction était caractérisée et l’a condamné à une peine d’emprisonnement de deux mois avec sursis.
Par un arrêt en date du 20 juin 2018, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le père, approuvant ainsi le raisonnement de la cour d’appel dès lors que le père « pouvait faire face à l’ensemble de ses obligations alimentaires, en affectant, de manière prioritaire, ses ressources au paiement des pensions alimentaires mises à sa charge, plutôt qu’au remboursement d’emprunts destinés à financer des investissements immobiliers »
On ne le dira jamais assez, le paiement de la contribution à l’éducation et à l’entretien des enfants et de la pension alimentaire attribuée au titre du devoir de secours est obligatoire, et son défaut, constitue l’infraction pénale :
« Le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire, une convention judiciairement homologuée ou une convention prévue à l’article 229-1 du code civil lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, d’un descendant, d’un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le code civil, en demeurant plus de deux mois sans s’acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Les infractions prévues par le premier alinéa du présent article sont assimilées à des abandons de famille pour l’application du 3° de l’article 373 du code civil. »
Cet arrêt récent de la Cour de cassation nous rappelle que cette obligation doit être satisfaite en priorité avant l’exécution de toute autre obligation civile qui ne soit pas de nature alimentaire, notamment les emprunts immobiliers.
S’agissant d’une infraction pénale, le délit d’abandon de famille suppose la réunion d’un élément matériel et d’un élément intentionnel.
L’élément matériel est simple à identifier : il s’agit du défaut de paiement pendant plus de deux mois d’une obligation alimentaire mise à la charge du débiteur par une décision judiciaire ou une convention de divorce.
Quant à l’élément moral, la Cour de cassation considère depuis longtemps qu’il est satisfait dès lors que le prévenu ne rapporte pas, « malgré d’indéniables difficultés financières, la preuve de ce qu’il aurait été dans l’impossibilité absolue de faire face à ses obligations » (Crim. 18 mars 1998, n° 97-82.915).
Pour le dire autrement, la preuve de l’intention de commettre le délit est rapportée dès lors que les juges du fond constatent que le prévenu n’est pas dans une impossibilité matérielle de payer. Il doit donc affecter ses ressources en priorité au paiement de ses obligations alimentaires lesquelles passent avant l’abonnement Canal Plus, mais aussi avant le remboursement d’emprunts destinés à financer des investissements immobiliers, quitte à vendre les dits appartements.
Il appartient donc aux parents, en l’espèce le père, d’adapter leurs trains de vie en fonction de cette obligation.
Si la solution peut paraitre sévère car semble faire fi des charges contraintes que représentent les crédits immobiliers, elle est, en droit, parfaitement justifiée : Le remboursement d’un crédit immobilier est une épargne. Or, l’épargne passe évidemment après les obligations alimentaires.