Les droits des grands-parents
Les droits des grands-parents
A l’heure où les grands parents sont de plus en plus jeunes et de plus en plus dynamiques, leur place (juridique) dans la vie de leurs petits-enfants semble moins évidente que par le passé et peut être plus conflictuelle.
Quelle est-elle lorsque les relations avec les parents sont dégradées ? Lorsque l’un des parents est décédé ? Ont-il la possibilité d’exiger de voir leurs petits-enfants ?
L’article 371-4 du Code civil, dans sa rédaction de 1971 disposait que « Les père et mère ne peuvent, sauf motifs graves, faire obstacle aux relations personnelles de l’enfant avec ses grands-parents. A défaut d’accord entre les parties, les modalités de ces relations sont réglées par le tribunal. »
Cette rédaction avait le mérite de poser les choses clairement : les pères et mères ne pouvaient pas empêcher les relations entre grands parents et petits enfants, de sorte que les ascendants en conflit avec les parents pouvaient saisir le juge et obtenir judiciairement la fixation d’un droit de visite et d’hébergement.
Il s’agissait donc de poser une limite au pouvoir des parents, dont l’attitude était l’élément central.
Au fil des années, et reflétant l’évolution de la société, l’opposition (le pouvoir) des titulaires de l’autorité parentale s’est progressivement effacée au profit de l’enfant, de ses droits, et de son intérêt supérieur, notion désormais centrale du droit la famille.
S’agissant des grands parents, c’est la loi de 2002 qui a changé la philosophie du texte en recentrant la question autour du droit de l’enfant à entretenir des relations avec ses ascendants. Il dispose aujourd’hui que «L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit.»
Il est ici question non plus de l’opposition des parents mais du droit de l’enfant à entretenir des relations personnelles avec ses grands-parents, ce qui est le plus souvent dans son intérêt. Il existe a priori des liens d’affections forts entre les générations qu’il faut pouvoir préserver.
Pour autant, cette nouvelle rédaction a suscité quelques interrogations.
S’est notamment posée la question de savoir si, puisqu’il est question du droit de l’enfant, l’action judiciaire ne lui était pas réservée et si les grands parents étaient recevables à saisir eux même le juge pour faire fixer leur droit de visite et d’hébergement.
On s’est également demandé si le droit de l’enfant à voir ses grands-parents permettait de contraindre ses derniers. En clair, un enfant peut-il judiciairement exiger que ses grands parents viennent le visiter ?
La réponse aux deux questions est négative : En réalité, malgré cette nouvelle rédaction la Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence ; elle continue à accueillir les demandes des grands parents (Cass. civ. 1ère, 18 janvier 2007, n° 06-11357) qui conservent la possibilité de saisir le juge pour faire fixer leur droit de visite et d’hébergement, qui n’est qu’un droit, et non une obligation, les grands parents ne pouvant être contraints à entretenir des relations avec l’enfant. (Rappelons au passage que lorsque les parents sont séparés, celui avec lequel les enfants ne résident pas ne dispose, lui aussi, que d’un droit de visite et d’hébergement, lequel n’est pas une obligation).
En pratique les grands parents peuvent donc faire valoir leur droit à voir et à recevoir leurs petits-enfants.
Pour pouvoir s’y opposer, il appartient aux parents de justifier qu’il n’est pas dans l’intérêt des enfants de voir ses ascendants, étant précisé bien sûr que l’éventuelle mésentente entre les grands parents et les parents n’est pas un élément suffisant.
Ainsi deux illustrations de mésentente entre parents et grands-parents ayant conduit à deux résultats opposés :
Mais attendu que l’arrêt relève que Mme A…a pris son rôle de grand-mère très au sérieux, se montrant disponible pour s’occuper de ses petits-enfants au domicile de sa fille environ deux jours par semaine pendant leur plus jeune âge et ayant toujours su leur montrer beaucoup d’attention et d’affection depuis leur naissance ; qu’il ajoute que, malgré le regard critique, depuis de nombreuses années, de Mme A…sur la personnalité de sa fille, qu’elle dévalorisait devant les tiers ou les enfants, ce qui a pu mettre ces derniers mal à l’aise, les relations entre la grand-mère et ses petits-enfants se sont poursuivies jusqu’en novembre 2012 ; qu’il retient que, dans ce contexte, les difficultés relationnelles entre Mme A…et sa fille sont insuffisantes pour faire échec au droit des enfants à entretenir des relations personnelles avec leur ascendant ; que la cour d’appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a souverainement estimé que l’intérêt des enfants ne faisait pas obstacle à l’exercice de ce droit, justifiant ainsi légalement sa décision ; (Cass. civ. 1ère, 12 octobre 2017, n° 17-19319)
Et a contrario
« Attendu, ensuite, que l’arrêt, par motifs propres et adoptés, relève que l’animosité de Mme D. à l’égard de sa belle-fille et son attitude procédurière, à l’origine d’une plainte des parents pour dénonciation calomnieuse, pèsent sur la cellule familiale ; qu’il retient que, dans ce contexte, le comportement de la grand-mère paternelle, en l’absence de toute remise en question, ne peut qu’être préjudiciable à l’enfant, et source pour elle de perturbation à mesure qu’elle va grandir ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines, la cour d’appel a pu en déduire, au seul vu de l’intérêt de l’enfant, qu’il était inopportun de maintenir le droit de visite de Mme D. ; »( Cass. civ. 1ère, 26 juin 2019 , n°18-19017)
On le voit, le seul conflit existant entre parents et grands-parents ne saurait suffire pour s’opposer à ce droit. Les juges doivent apprécier concrètement la situation, l’état d’esprit dans lequel la démarche est entreprise, et les besoins de l’enfant.
Une fois le droit de visite et d’hébergement des grands parents fixés, il doit bien sûr être respecté par les parents.
Mais que faire si les parents ne respectent pas ce droit, et n’envoient pas l’enfant chez ses grands-parents ?
On ne peut évidemment pas les y contraire par la force mais les grands parents ne sont pas pour autant démunis.
En effet, « Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » (Article 225-7 du code pénal), de sorte que les grands parents peuvent s’ils le souhaitent porter plainte contre leurs propres enfants ou « beaux-enfants ».
Le rôle de l’avocat sera de les éclairer tant sur l’opportunité d’une fixation judiciaire de leurs droits que sur les conséquences, parfois terribles, en termes d’harmonie et d’entente familiale d’une action au pénal.